Serge aime

Il aurait pu être pasteur ou pilote de chasse, mais il a choisi l’enseignement. Une vie professionnelle près des élèves. Serge aime transmettre et partager, comme Silva, son épouse. Serge aime Silva. D’ailleurs on ne dit pas Serge mais Serge et Silva, comme on dit Eloïse et Abélard ou Tristan et Yseult. Une vie d’amour à marcher côte à côte sans se quitter des yeux. Dès l’enfance, Serge se nourrit de romans d’aventures et très vite, son regard porte loin, au-delà des mers. Dans cet éveil au monde puisé au fil de la littérature, Serge conserve, accumule, collectionne. Les maquettes d’avions, les soldats de plomb ou encore les armes et uniformes de la Grande Guerre : elles lui parlent d’un père parti trop tôt et qui a vécu l’enfer des tranchées. La collection s’étoffe au fil des décennies. Armes blanches, coiffures, masques, sculptures. Elle se spécialise également. Plus la barbe blanchit, plus Serge retourne en enfance, vers ses rêves d’ailleurs, vers les civilisations anciennes, vers l’Afrique et le monde Touareg. Takuba, telek, selles de chameau, piquet de tente, fétiches…une foule d’objets nomades a désormais envahi le salon. Ils grimpent au mur, s’étalent sur les tapis et les canapés, s’immiscent à chaque étage des bibliothèques. On pourrait facilement conclure à une peur du vide, à l’élévation méthodique d’un rempart exotique contre le monde extérieur. Il s’agit bien d’une collection. Une vraie collection. Là où le photographe voit une accumulation amusante et colorée d’objets hétéroclites, le conservateur construit une des plus importante collection d’art Touareg en France. Chaque objet est inventorié, décrit, référencé dans de gros classeurs qui dorment non loin de là. Serge aime l’Afrique saharienne et le monde Touareg, il aime parler de sa collection et des nombreux voyages entrepris vers le Sahara avec Silva. Les amants du désert sont devenus des spécialistes de l’art rupestre saharien, ils comptent des milliers de photos, de relevés et plusieurs publications. La passion en partage permet à Silva d’accepter l’invasion progressive des espaces de la vie quotidienne. Mais le bureau de Serge est un autre univers singulier. Là, faute de place, même Silva ne peut plus entrer !